Certains de mes élèves m’ont demandé  » Comment on fait pour dire un truc qui va bien.. ?  »
Je leur ai répondu en leur disant que toute idée  » va bien  » dès lors qu’on la justifie.
Ce qui est vrai mais, j’ai le sentiment d’avoir un peu botté en touche parce que, moi effectivement, je suis passé par des moments où je ne faisais plus comme ça…Et d’ailleurs, est-ce vraiment comme ça que je fais maintenant… ?

Et du coup, je me penche un peu sur le chemin qu’à pris ma manière de penser depuis que j’ai commencé l’impro.

Aux enfants, on apprend qu’il faut tourner 7 fois la langue dans sa bouche avant de parler et qu’il faut dire des choses qui ont un sens.
Je n’ai pas fait exception. Sauf qu’on m’avait aussi dit que, dans la vie, il faut être honnête et que pour cela, il fallait dire ce que je pensais… J’ai mis de l’eau dans mon vin depuis mais, au moins quand j’ai débuté l’impro, une part du boulot était faite.
Car aux débutant-e-s en  impro, on apprend que la première idée est la bonne, quelle qu’elle soit. Car à leur niveau, le fonctionnement, c’est un fonctionnement très  » conscient « , linéaire. : Laisser venir une idée, la juger avant de choisir de la prendre ou de la laisser pour en passer une autre au tamis. Un fonctionnement cloisonné séquentiel qui ne cadre pas avec la fluidité recherchée en impro. Quand bien même il est possible de prendre son temps, il y a une attente du public qui pousse à alimenter en continu l’impro.
Donc  » La première idée est la bonne.  »
C’est une étape qui permet au hamster qui tourne dans sa roue de tourner de plus en plus vite.  En court-circuitant la réflexion, ça libère le flux d’idées. Car, exit la censure basée sur des critères liés à l’éducation comme le politiquement correct, la politesse ou encore la cohérence du propos.
Une autre des conséquences est, donc, que cela amène des incohérences.
Rien de grave sur une libre car, cela donne ainsi des choses à justifier. On se met soi-même en position délicate et l’impro se nourrira des péripéties qui en découleront.  » Faire d’une contrainte un moteur.  » comme disait Marc Fernandez (et sans doute d’autres avant lui mais eux, c’étaient pas mes prof :-P)
Ces incohérences sont plus handicapantes lorsqu’on recherche justement à construire un univers qui suit des règles ou à d’évoluer dans un monde pré-défini, sur une  » à la manière de…  » par exemple. En match, ça peut tout simplement se traduire par une faute de hors catégorie.
La solution, ça a été d’accélérer la venue d’informations dans ma tête mais aussi leur traitement.

Et au fur et à mesure de l’apprentissage et de la pratique, ça s’est fait…
Mais je me souviens quand même qu’il y a eu des étapes.
Après avoir débrider le flux de pensées, j’ai eu la chance de participer à une session de cours sur le silence et son importance. Ce qui m’a ouvert des moyens de me donner le temps de réfléchir. Je me suis réfugié dans l’action et le mime et j’ai cultivé les silences. J’ai commencé à en dire moins mais mieux. Cette manière d’agir m’est d’ailleurs restée : Quand j’ai besoin d’un répit, je me pose dans une action.

Ensuite, pendant un moment, c’est comme s’il y avait eu 2 systèmes qui tournaient, non plus linéairement mais en même temps. Comme s’il y avait le flux de pensées  » production d’idées pour l’impro  » et un autre, avec du recul, -en position  » méta « , dirait-on en PNL-, chapeautant un peu et opérant la sélection en tenant compte des paramètres de l’impro.
Ça a commencé à devenir pratique mais j’avais encore la tête remplie de bruits.

Au final, j’ai la sensation que les 2 font une machine unique et que ce qui vient n’est pas une pléthore d’informations mais une ou 2 déjà pré-selectionnées par la…méta-pensée..? qui serait devenu, du coup la seule restant consciente… Je dis donc bien le premier truc qui me vient consciemment. Car, bien qu’il y ait effectivement sortie d’idées, la production d’idées en masse est retournée en mode inconscient. Comme avec n’importe quel apprentissage en somme. Je sais conduire une voiture, mais, quand je le fais, je n’ai pas la sensation de le faire. Je n’ai plus aucune pensée consciente concernant les ordres donnés à mes pieds ou à mes mains. Je ne me creuse même plus la tête sur l’analyse de la situation que mes yeux me transmettent… Je le fais. Point. Et ce faisant librement, je peux me concentrer sur la spécificité de la conduite quand il y a de la neige, où là, j’ai encore besoin d’être très concentré.

J’en suis à peu près là en impro.
Je ne sais pas si cette évolution était souhaitable.
Avec un peu de recul, je la trouve plutôt facilitante mais je l’imagine aussi un brin figeante…
Parce que l’inconscient fonctionne en pilote automatique.
Est-ce souhaitable d’être en pilote automatique en impro ? Pas sûr…
Il y a un instant, je pensais que l’étape suivante était de maîtriser les catégories pour être, là aussi, sans souci. Conduire sur neige, comme sous pluie, comme la nuit, comme le jour, sans se poser de question…
Hum… !  » maîtriser les catégories « , c’est bien gentil mais, en toute simplicité, maîtriser TOUTES les catégories ça prendrait une vie. Ou plusieurs…
Et puis, il y a peut-être un intérêt à ce qu’il en soit ainsi… ça oblige à prendre en compte une certaine nouveauté, à rester dans une certaine fraîcheur et dans le risque…
A faire de l’impro quoi !
Quand une équipe au complet se connaît bien sur une catégorie qu’elle a beaucoup travaillé, c’est… bluffant, la première fois. La 2e, encore un peu. A la 3e, ça sent le réchauffé et ça a un goût de figé… Je l’ai vu sur une équipe qui faisait ses impro chantées, systématiquement de la même manière. Une personne en avant scène, chœurs au fond, rythme établi par les chœurs et refrain par le soliste. La différence tenait au fond et au genre de la chanson. C’est déjà une différence à gérer, certes. C’était pas du pilote automatique à 100%… Mais sur 4-5 spectacles que j’ai vu, il y avait une chanson, voire 2,  par spectacle et un jour j’ai pensé, alors qu’ils se mettaient en place sur scène  » ça y est, ils nous refont le coup. » J’ai admiré le truc au début. Ça m’a vraiment paru splendide. Et j’ai bien pris note. Car, c’était quelque chose de techniquement très abouti… Mais, ce n’est pas la seule manière de faire une chantée…

A quel prix dire ou faire  » le truc qui va bien  » ?
Accélérer les pensées, oui, bien sûr. Passer en pilote automatique complet : pas possible et pas souhaitable à mon avis.
Trouver un juste milieu ?

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