J’avoue, j’aime bien regarder, des fois, des moments de remises de prix. Les Oscars, les Césars, les Falzars… Les trucs en « ars » des Arts quoi… C’est une manière de regarder, à la fois, des prises de parole libres mais codifiées et des gens heureux, souvent. J’aime bien voir la joie exploser, la perte de contrôle, particulièrement présente chez les gens dont c’est le premier prix de carrière. Ceux et celles qui n’y croient pas quand ça arrive. C’est aussi, secrètement, l’occasion de préparer mon propre discours pour le moment où on m’aura couronné « Miss Palourde des Eaux du Lac de Paladru. » Ou mon discours de première dauphine. (J’ai des ambitions mesurées.)
Et magie des internets, on n’est plus obligé de faire peser sur son estomac l’entièreté du cake beurre-huile-crème champagne des cérémonies de 3h30 pour goûter des cerises sur le gâteau. Me voici donc, à regarder une remise de prix au hasard d’une suggestion Youtube (qui me connaît hélas plus que mes amis, qui, eux, ignorent tout de mes ambitions de Miss Coquillage et Crustacés d’eau douce.). La remise de César à Laure Calamy. Dont je ne connais pas du tout le travail. Mais dont une phrase de sa remise prix, visiblement improvisée, et très très émotionnée, me tombe dans l’oreille
« Le jeu c’est l’autre. »
Une phrase qui sort, ainsi. Un automatisme presque. Une croyance, échappée de son histoire et de son parcours de comédienne, qui vient justifier ses remerciement à ses camarades à l’écran. (Notamment un âne… Mais c’est une autre affaire.)
Le jeu c’est l’autre. Ça me semble important à retenir. C’est beau, c’est simple. C’est presque un jeu de mot. Et ça vient mettre une formule sur un état d’esprit. C’est quasiment une philosophie. En tout cas, ça recouvre quelques pratiques… En improvisation, les pratiques consistant à ne rien chercher à l’extérieur de la scène pour la faire évoluer. A aller chercher ce qu’il y a, déjà, chez le partenaire.
Ainsi, avec « Fais-le », « Réagis » est une des directions de comédien qui me semble le plus fréquemment utile en atelier comme en spectacle.
Sur scène, on peut réagir à tout.
Sur scène, on peut même réagir à rien.
Et la plupart du temps, si, sur scène, il ne se « passe » rien, c’est qu’on ne réagit pas du tout .
Un de mes exercices préférés sur cette petite musique, je le tiens de Marie-Eve Danis, de la LISA. Il se joue en petit groupe. Une personne fait une proposition, une phrase, un geste… Les autres, à tour de rôle expriment leur réaction. Chacun la sienne. Souvent chacune différente. Idéalement, la personne proposant refait sa proposition de base à chaque nouvelle personne. Et on voit ce qui se jette sur la page blanche lorsque la seule consigne est de réagir.
On peut le prolonger en demandant de réagir à des propositions de plus en plus minimalistes. Jusqu’à la réaction à « rien. ». La réaction, juste, à l’autre.
Il n’y a plus d’inspiration à trouver, seulement une forme de résonance sur laquelle mettre le corps en guise de caisse d’amplification.
La résonance à l’autre.
Le jeu.
J’avoue, j’aime bien regarder, des fois, des moments de remises de prix. Je ne suis pas sûr que ce soit une faute. Alors, il n’y a peut-être rien à avouer…