Samedi soir, il y avait un match d’impro à Coublevie, entre LATIAG et les Artscènes. Un petit match sympathique, comme on voudrait bien les multiplier par ici.

Et… Bon… Je me suis un peu fait remarquer dans le public… Enfin, « je », on était en fait 2-3, fortuitement réparti-e-s dans la salle, à ambiancer cette (trop) sage affaire. Je n’en dirais pas plus, fallait être là. 😉

Le match est un format populaire. Avec tout ce que cela comprend.

Mais cela va permettre d’exposer un point de vue concernant le match : Le match est un format populaire. Avec tout ce que cela comprend.

C’est un aspect que pas mal de compagnies me semblent un peu oublier. Alors que c’est, à mon sens, un des grands mérites du match : Avoir rendu le théâtre au populo.

Petit flashback. Du temps de Molière, il y a 3 salles de théâtre à Paris. L’essentiel du théâtre est donc une affaire de tréteaux dans la rue. C’est bruyant… Même en salle…

Au 19e siècle, les proprio de théâtre éteignent les salles, le calme s’en vient dans les salles. La distinction entre la petite bourgeoisie et les pauvres s’accentue. La salle de théâtre devient un entre-soi culturel.

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Et je ne serais pas étonné qu’en vérifiant les revenus des abonnés de presque n’importe quelle salle, on retombe sur cela.

Il suffit de connaître les efforts consentis par les collectivités locales et les salles pour la « démocratisation culturelle » pour saisir que c’est une demande à créer. Pas vraiment un engouement populaire…

Et l’explication du prix n’est pas très pertinente. Un billet pour un match sportif pro va chercher dans les mêmes tarifs qu’une place de spectacle de type zénith avec tête d’affiche.

Nop, c’est juste que le théâtre jusqu’à il y a peu (Merci Djamel Debbouze) , et encore beaucoup, ce n’est plus la classe populaire. Pas ses codes. Pas ses visages. Pas son vocabulaire. Pas son bruit et ses odeurs. (Jacques Chirac, où que tu sois, rôtit en paix.).

Et les gens qui disent que c’est méprisant de dire ça gagneront alimenter leur moulin à réfléchir en revoyant « Inculture 1 et 2 » de Franck Lepage.  La Culture, c’est pas conçu pour les pauvres.

Bien, ceci étant posé revenons au match.

Le format du match conduit à un spectacle populaire.

Pensez-vous hasardeux que ce soit grâce à ce type de spectacle qu’un Djamel Debbouze sorte du lot? (Puis fonde un comedy club.)

Qu’à l’endroit où on commence à faire des matches d’impro, la discipline croisse de façon exponentielle?

Qu’on y trouve des familles, des gens en couple, des bandes de pote, des personnes seules, des gens sans culture, des gens avec?

Le format du match conduit à un spectacle populaire. Car son essence, c’est le match sportif. Une ambiance, un monde, dont le public fait pleinement partie. Pour le meilleur et parfois pour le pire. Mais il en fait partie.

 

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J’ai récemment découvert le podcast de Fredéric Barbusci, « Pas d’impro. » L’interview d’Yvan Ponton me parait éclairante à ce sujet.  (Yvan Ponton est le créateur historique du rôle de l’arbitre, il l’a tenu des dizaines d’années.) Il dit aux aspirant-e-s arbitres, « Etes-vous déjà allés voir un match de Hockey? Comment ça se passe vraiment? » Je reprends ça à mon compte: Avez-vous vu le public dans un stade? Et j’arrive à mon point : Si votre public de match est silencieux, calme, polissé, c’est qu’il y a un problème quelque part.

Vous n’êtes pas en train de donner corps à un match, mais à l’idée que vous (et le public, bien sûr.) en avez. Une idée probablement influencée par celle de ce qu’est la Culture, comme marqueur d’appartenance à une classe plus aisée.

Le boucan lors des phases d’inter-impro, les invectives à l’arbitre, la réactivité, c’est une part intégrante de l’expérience de ce spectacle tel qu’il a été conçu. J’adorerais même à l’avenir voir débarquer des fanfares de supporter, des tambours et des vuvuzelas!

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Euh… Non, peut-être pas des vuvuzelas…

Lorsque le public ne bronche pas, je la ramène par tous les moyens.

Alors, évidemment, un spectacle peut et doit évoluer, surtout celui-là. C’est le propre d’une œuvre populaire. Mais il est judicieux de réfléchir, quand on le peut, à l’esprit et à la démarche qui ont présidé à la création d’une œuvre. Et dans le match, le public, à la folie toute popu, est inclus.

On lui demande son avis. Tout en connaissant les aléas de cet avis, on le respecte. On lui donne une pantoufle qu’il peut peut balancer pour signaler son mécontentement. (D’ailleurs, pardon, oups, aparté, mais, samedi dernier, l’idée des pantoufles voulues non fonctionnelles par la légèreté de leur matériau… Comment dire… Fausse bonne idée… La frustration produit aussi des effets. Mieux vaut pas de pantoufle du tout à mon sens.)

On s’appuie sur son énergie. Et les joueurs sentent bien lorsqu’ils sont portés par cette énergie du public. Ils vont la chercher.

Et c’est aussi pourquoi lorsque le public ne bronche pas, je la ramène par tous les moyens. Je l’active et fait bouillir la sauce. C’est un protagoniste du spectacle, il faut aller le chercher.

Quand un public de match bouge dans tous les sens, à l’inverse, je suis assez calme, et, tout au plus, accompagnant de la clameur. Pas besoin d’aller le chercher, il est là.

Je pourrais aussi vous parler du rôle de l’arbitre et du maître de cérémonie dans cette fonction cruciale. Mais c’est déjà bien assez long pour aujourd’hui.

Bons matches!

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